Nous profitons du Hellfest pour rencontrer Jean-Charles Desgrous, l'auteur du superbe livre Remember The Coop, traitant des chansons de Monsieur Alice Cooper. Un entretien avec une personne charmante et réellement passionnée.
Jean-Charles,
d'où t'est venue l'idée d'écrire ce bouquin, ou plutôt cette
analyse sur les chansons d'Alice Cooper ?
Jean-Charles
Desgroux : J'ai déjà
écris un livre sur Ozzy Osbourne en 2007, et pour Alice Cooper qui,
lui, est une des mes idoles depuis que je suis tout gamin, il me
semblait qu'il n'y avait pas assez de littérature explicite sur le
sujet. J'ai toujours eu envie au fond de moi d'écrire un livre comme
ça, et un jour je me suis lancé, l'envie était trop forte !
Et
justement ce n'est pas trop difficile car tu traites album par album
et analyser ce personnage mystérieux, surtout quand on ne le connait
pas, on le prend un peu pour un extraterrestre et s'attaquer ainsi
album par album c'est un peu comme s'attaquer à une montagne non ?
Absolument,
c'est une montagne, un monstre sacré qui fait partie du panthéon du
Rock, il a été intronisé au Rock and Roll Walk of Fame, c'est un
monument, et avec ce livre, je voulais réhabiliter toute la
discographie d'Alice Cooper (26 albums) car on parle beaucoup du
personnage, de ses frasques, de son alcoolisme et de tous les démons
de la légende, et on ne parle pas assez de sa musique au fond. Moi
je voulais à la fois faire une biographie qui allait suivre une
trame narrative tout en réalisant une espèce de fiche technique de
chacun de ses disques et réhabiliter des albums un peu plus méconnus
comme Flush The Fashion
(1980), Zipper Catches
Skin (1982) ou Dada
(1983) et bien évidemment les albums plus connus comme Billion
Dollar Babies (1973),
School's Out
(1972)... A mon sens, toute sa discographie mérite d'être éclairée,
chacuns de ses disques méritent d'être mis en lumière.
Quel
est l'album d'Alice Cooper que tu as eu le plus de mal à analyser et
pourquoi ?
Bonne
question ! Il ne me semble pas qu'il y en ait eu de plus difficiles
à analyser que d'autres car je les connais tellement tous qu'ils
font presque partie de mon ADN. Cette musique fait partie de cet
artiste que je n'ai jamais cesser d'écouter, même les albums plus
méconnus. Pour être honnête, je dirais que les deux premiers
albums, Pretties For
You (1969) et Easy
Action (1970) qui
avaient été signés à l'époque sur le label de Frank Zappa ne
sont pas forcément les meilleurs de sa carrière, mais ce sont les
premiers socles de là où il vient et de là où il a voulu aller
par la suite. C'est pas forcément les albums que j'écoute le plus
car l'identité d'Alice Cooper n'est pas vraiment là. La véritable
identité d'Alice Cooper est née à partir du moment où ils ont
rencontré Bob Ezrin en 1970. Bob Ezrin était l'architecte sonore de
toute leur musique.
As-tu
eu besoin de faire appel aux labels pour approfondir ton analyse ou
as-tu tout fait par toi même ?
Pour
l'analyse des disques, tout a été réalisé par moi même, j'ai
vraiment pris un soin tout particulier à écouter, réécouter et
réécouter encore et encore pour pointer tous les détails, trouver
les cohérences dans chacun de ces albums. Les labels ne m'ont pas
aidé, j'ai juste tenté d'obtenir l'aide du manager d'Alice
Cooper...
Et
tu l'as eu ?
Non
non, j'ai réussi à obtenir ses coordonnées, j'ai pu rentrer en
contact avec lui mais comme pour le film Super
Duper Alice Cooper
(2014) de Sam Dunn, le réalisateur a demandé que le projet soit
validé, mais le management d'Alice Cooper a englobé le projet et au
final ont sorti un produit de plus sur Alice Cooper. On ne peut pas
vraiment faire quelque chose de sérieux sur Alice Cooper tout en
demandant la caution du management et rester indépendant, c'est soit
on reste complètement à part et on fait les choses par nous même,
soit on obtient leur aide et ils auront quoi qu'il arrive le dernier
mot sur le produit fini.
Connaissant
le passé sulfureux d'Alice Cooper, est-ce que ce livre peut être
mis entre les mains de tout le monde, je veux dire par là pour tout
public de 7 à 77 ans ?
Oui,
car je souhaite mettre en avant la musique, les musiciens, l'artiste
et l'icone. Mon livre, c'est tout sauf The
Dirt (MÖTLEY CRÜE).
Il n'y a pas d'étalage de sexe et de drogues. Bien sûr j'en parle
car c est une part de sa vie mais je ne vais pas rentrer dans les
détails, mon but premier c'est de parler de la musique d'Alice
Cooper, l'étude de l'artiste... Ce livre est très bien fait car il
est suffisamment croustillant tout en restant soft.
Dans
ses textes Alice Cooper parle de l'enfer, du diable ou de cauchemars,
malgré cela Alice Cooper est catholique...
Alice
Cooper est né d'une famille protestante, très engagée
spirituellement. Son grand-père et son père étaient pasteurs, donc
il a baigné dans un environnement très religieux. Il est comme
beaucoup de musiciens qui ont arrêté la drogue et l'alcool, il a
substitué son besoin d'extrémisme par un besoin de spiritualité,
il s'est alors tourné vers Dieu pour donner un sens à sa vie.
Après, Alice Cooper n'a, à ma connaissance, jamais parlé du
diable. Peut-être par respect pour sa culture et son éducation. Il
parle un peu de politique, d'autodérision, des traitements de fond
sociaux vu avec le prisme de la dérision, de la satire, avec un
certain cynisme, mais le diable non pas vraiment !
Quand
je parlais du diable, je pensais plus à des chansons comme "Teenage
Frankenstein", "He's Back, The Man Behind The Mask" ou
"Feed My Frankenstein..., plus d'horreur en fait !
Il
a été nourri par les films d'horreur ou d'épouvante mais qu'il
prend au second degré. L'aspect cinématographique, il s'en inspire
et il s'en sert comme un jeu, c'est un énorme Rock and Roll circus à
l'américaine. Alice Cooper fait de la musique pour grands enfants !
Parle
nous un peu de l'album Hey
Stoopid, ça a
été un album riche pour la nouvelle génération qui a découvert
Alice Cooper avec cet album, un album un peu plus heavy que les
autres...
C'est
un album qui me tient particulièrement à cœur. Il est sorti en
juillet 1991, ça faisait 2 ans que j'écoutais Alice Cooper. C'est
avec cet album que j'ai passé tout mon été. Ce disque fait
directement suite à l'album Trash
et sur Hey Stoopid
il y a énormément de featuring comme Slash, Ozzy Osbourne, Nikki
Sixx et toute une pléiade d'invités prestigieux. C'est un album qui
a un gros son et qui n'est pas que heavy comparé à l'album Brutal
Planet sorti en 2000
et qui est, lui, plus orienté Indus. Pour moi Hey
Stoopid reste un des
derniers albums je ne dirais pas de Hair Metal mais plutôt de Heavy
Rock à l'américaine, car juste après le Grunge est arrivé,
terminant une période Rock'n'Roll où l'on pouvait s'éclater...
J'ai
envie de parler de cette superbe ballade qu'est "How You Gonna
See Me Now" avec son clip bizarre, c'est du Alice Cooper quoi ?
Cette
chanson est tirée de l'album From
The Inside (1978),
c'est une chanson mielleuse, c'est vrai, mais qui est en réalité
une lettre ouverte à sa femme alors qu'il était en cure de
désintoxication dans un asile. Il s'est posé la question de savoir
comment sa femme allée le retrouver après sa cure, une fois qu'il
serait guéri, sevré, elle qui ne l'avait jamais connue clean... «
Comment vas-tu me
percevoir ? Quand on s'est mariés, j'étais sous l'emprise de
l'alcool et maintenant tu vas peut être découvrir un nouvel
homme... j'aurais peut-être un manque de confiance en moi mais
est-ce que tu m'aimeras toujours ?
» Une chanson avec un côté fleur bleue un peu romantique.
On
va peut-être casser le mythe Cooper mais il y a des bruits de
couloir qui disent qu'il serait bisexuel ?
Alors
là, je n'ai jamais entendu parlé de ça ! Effectivement le
phénomène Alice Cooper est devenu tellement grand apres l'explosion
du Glam Rock en Angleterre ainsi qu'aux USA et dans les année 70/73
beaucoup d'artistes comme Marc Bolan, David Bowie et bien d'autres
jouaient sur l'ambiguïté sexuelle (maquillage, accoutrements,
bijoux...) mais une chose est sûre, Alice Cooper n'a jamais été
bisexuel.
Tu
as assisté au concert d'Alice Cooper ce vendredi, comment as-tu
trouvé le show ?
La
magie opère toujours, on est toujours émerveillé d'être face à
un artiste tel qu'Alice Cooper et de le voir toujours debout après
50 ans de carrière. Les concerts d'Alice Cooper sont toujours ultra
rodés, il n'y a pas de place pour l'improvisation, tout est
millimétré, chorégraphié. Le show était intense, et de plus le
livre sortait la veille du concert donc une petite émotion me disait
: Tiens j'assiste à mon énième concert d'Alice Cooper alors que
mon livre est sorti le jour avant le concert. Alice était dans une
forme olympique, à 67 ans il est impérial, sa voix est nickel, il
est très professionnel, il est grandiose et c'est un vrai gentleman.
As-tu
pu le rencontrer à l'issue du concert ?
J'ai
bien essayé... les demandes ont été faites mais n'ont
malheureusement pas pu aboutir. C'est très dur, surtout lors d'un
festival comme le Hellfest, mais ce sera pour une prochaine fois,
enfin je l'espère !
Combien
de temps t'a pris l'écriture de ce livre ?
Un
an d'un travail assez intense, beaucoup d'heures chaque jour et
beaucoup de passion. Beaucoup d'intransigeance et de discipline
envers moi-même niveau relecture car je ne voulais pas qu'il y ait
la moindre information sans que la source n'ait été vérifiée, je
ne supporte pas les livres où il y a des erreurs ou qui laissent la
place au doute. Un livre qui doit s'adresser à des fans se doit
d'être bien fait, d'ailleurs je n'aime pas faire les choses à
moitié !
As-tu
d'autres projets ?
Oui,
mais pour l'instant je vais prendre un peu de vacances car ces
derniers jours ont été très intenses. Je suis un fan de Stoner
Rock, le Rock du désert californien où je vais tous les ans en
vacances et je voudrais associer un livre qui parle des origines de
ce mouvement et de tout ce qui s'est passé dans le désert
californien depuis la fin des années 80, un peu comme un Road trip
dans le désert où je parlerai aussi bien de musique que des décors
et des gens du désert californien.
Sur
toutes ces chansons, quelle est celle qui, d'après toi, s'identifie
le plus au personnage Alice Cooper ?
J'ai
choisi Remember The
Coop comme titre pour
mon livre, le terme Remember
The Coop est extrait
de la chanson "Alma Mater" issue de l'album School's
Out, c'est une espèce
de complainte un peu country folk qui pourrait s'apparenter à du
Johnny Cash ou du Elvis. En ouverture d'album avec "School's
Out" c'est : « on
se casse de l'école, l'école est terminée
», et finalement la dernière chanson du disque est une complainte
un peu tristounette, nostalgique, où il se demande s'il va retrouver
ses copains l'année suivante, ou va-t'il se retrouver seul ? Il se
demande si ces amis se rappeleront de lui : « J'espère
que vous vous rappelerez de moi : Remember the Coop !
» donc pour moi, c'est "Alma Mater"... Remember the
Coop...
Le
mot de la fin est pour toi...
Avant
le livre, donnez vous la peine de vous plonger dans tout ce
patrimoine musical qui est colossal. Beaucoup de gens peuvent être
rebutés par son maquillage, les serpents, la guillotine... mais tout
cela n'est qu'un apparat de cirque, c'est Hollywood...! Mais sa
musique est très riche et intense, et si vous voulez en savoir plus,
ce livre vous servira de guide, de support, un tuteur qui vous aidera
à entrer dans l'univers du grand Alice Cooper.
voila
une très riche interview avec un très sympathique Jean-Charles
DESGROUX, mais surtout un vrai passionné et un grand connaisseur de
l'univers d'Alice COOPER.
Propos
recueillis par The
Scream
Photo
: Le Slasher
Remember
The Coop est à se procurer dans toutes les bonnes librairies
Remember
The Coop
Jean
Charles Desgroux
aux
éditions Le Mot et Le Reste
273
pages 21€
isbn
: 978-2-36054-175-1
Un
grand merci au Hellfest, à Roger Wessier, Jean-Charles Desgroux,
Nono et aux Editions Le Mot et Le Reste
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire