jeudi 30 juillet 2015

Interview de Jean-Charles Desgrous réalisée le 20 Juin 2015 à Clisson.


Nous profitons du Hellfest pour rencontrer Jean-Charles Desgrous, l'auteur du superbe livre Remember The Coop, traitant des chansons de Monsieur Alice Cooper. Un entretien avec une personne charmante et réellement passionnée.




Jean-Charles, d'où t'est venue l'idée d'écrire ce bouquin, ou plutôt cette analyse sur les chansons d'Alice Cooper ?
Jean-Charles Desgroux : J'ai déjà écris un livre sur Ozzy Osbourne en 2007, et pour Alice Cooper qui, lui, est une des mes idoles depuis que je suis tout gamin, il me semblait qu'il n'y avait pas assez de littérature explicite sur le sujet. J'ai toujours eu envie au fond de moi d'écrire un livre comme ça, et un jour je me suis lancé, l'envie était trop forte !

Et justement ce n'est pas trop difficile car tu traites album par album et analyser ce personnage mystérieux, surtout quand on ne le connait pas, on le prend un peu pour un extraterrestre et s'attaquer ainsi album par album c'est un peu comme s'attaquer à une montagne non ?
Absolument, c'est une montagne, un monstre sacré qui fait partie du panthéon du Rock, il a été intronisé au Rock and Roll Walk of Fame, c'est un monument, et avec ce livre, je voulais réhabiliter toute la discographie d'Alice Cooper (26 albums) car on parle beaucoup du personnage, de ses frasques, de son alcoolisme et de tous les démons de la légende, et on ne parle pas assez de sa musique au fond. Moi je voulais à la fois faire une biographie qui allait suivre une trame narrative tout en réalisant une espèce de fiche technique de chacun de ses disques et réhabiliter des albums un peu plus méconnus comme Flush The Fashion (1980), Zipper Catches Skin (1982) ou Dada (1983) et bien évidemment les albums plus connus comme Billion Dollar Babies (1973), School's Out (1972)... A mon sens, toute sa discographie mérite d'être éclairée, chacuns de ses disques méritent d'être mis en lumière.

Quel est l'album d'Alice Cooper que tu as eu le plus de mal à analyser et pourquoi ?
Bonne question ! Il ne me semble pas qu'il y en ait eu de plus difficiles à analyser que d'autres car je les connais tellement tous qu'ils font presque partie de mon ADN. Cette musique fait partie de cet artiste que je n'ai jamais cesser d'écouter, même les albums plus méconnus. Pour être honnête, je dirais que les deux premiers albums, Pretties For You (1969) et Easy Action (1970) qui avaient été signés à l'époque sur le label de Frank Zappa ne sont pas forcément les meilleurs de sa carrière, mais ce sont les premiers socles de là où il vient et de là où il a voulu aller par la suite. C'est pas forcément les albums que j'écoute le plus car l'identité d'Alice Cooper n'est pas vraiment là. La véritable identité d'Alice Cooper est née à partir du moment où ils ont rencontré Bob Ezrin en 1970. Bob Ezrin était l'architecte sonore de toute leur musique.

As-tu eu besoin de faire appel aux labels pour approfondir ton analyse ou as-tu tout fait par toi même ?
Pour l'analyse des disques, tout a été réalisé par moi même, j'ai vraiment pris un soin tout particulier à écouter, réécouter et réécouter encore et encore pour pointer tous les détails, trouver les cohérences dans chacun de ces albums. Les labels ne m'ont pas aidé, j'ai juste tenté d'obtenir l'aide du manager d'Alice Cooper...

Et tu l'as eu ?
Non non, j'ai réussi à obtenir ses coordonnées, j'ai pu rentrer en contact avec lui mais comme pour le film Super Duper Alice Cooper (2014) de Sam Dunn, le réalisateur a demandé que le projet soit validé, mais le management d'Alice Cooper a englobé le projet et au final ont sorti un produit de plus sur Alice Cooper. On ne peut pas vraiment faire quelque chose de sérieux sur Alice Cooper tout en demandant la caution du management et rester indépendant, c'est soit on reste complètement à part et on fait les choses par nous même, soit on obtient leur aide et ils auront quoi qu'il arrive le dernier mot sur le produit fini.

Connaissant le passé sulfureux d'Alice Cooper, est-ce que ce livre peut être mis entre les mains de tout le monde, je veux dire par là pour tout public de 7 à 77 ans ?
Oui, car je souhaite mettre en avant la musique, les musiciens, l'artiste et l'icone. Mon livre, c'est tout sauf The Dirt (MÖTLEY CRÜE). Il n'y a pas d'étalage de sexe et de drogues. Bien sûr j'en parle car c est une part de sa vie mais je ne vais pas rentrer dans les détails, mon but premier c'est de parler de la musique d'Alice Cooper, l'étude de l'artiste... Ce livre est très bien fait car il est suffisamment croustillant tout en restant soft.

Dans ses textes Alice Cooper parle de l'enfer, du diable ou de cauchemars, malgré cela Alice Cooper est catholique...
Alice Cooper est né d'une famille protestante, très engagée spirituellement. Son grand-père et son père étaient pasteurs, donc il a baigné dans un environnement très religieux. Il est comme beaucoup de musiciens qui ont arrêté la drogue et l'alcool, il a substitué son besoin d'extrémisme par un besoin de spiritualité, il s'est alors tourné vers Dieu pour donner un sens à sa vie. Après, Alice Cooper n'a, à ma connaissance, jamais parlé du diable. Peut-être par respect pour sa culture et son éducation. Il parle un peu de politique, d'autodérision, des traitements de fond sociaux vu avec le prisme de la dérision, de la satire, avec un certain cynisme, mais le diable non pas vraiment !
Quand je parlais du diable, je pensais plus à des chansons comme "Teenage Frankenstein", "He's Back, The Man Behind The Mask" ou "Feed My Frankenstein..., plus d'horreur en fait !
Il a été nourri par les films d'horreur ou d'épouvante mais qu'il prend au second degré. L'aspect cinématographique, il s'en inspire et il s'en sert comme un jeu, c'est un énorme Rock and Roll circus à l'américaine. Alice Cooper fait de la musique pour grands enfants !

Parle nous un peu de l'album Hey Stoopid, ça a été un album riche pour la nouvelle génération qui a découvert Alice Cooper avec cet album, un album un peu plus heavy que les autres...
C'est un album qui me tient particulièrement à cœur. Il est sorti en juillet 1991, ça faisait 2 ans que j'écoutais Alice Cooper. C'est avec cet album que j'ai passé tout mon été. Ce disque fait directement suite à l'album Trash et sur Hey Stoopid il y a énormément de featuring comme Slash, Ozzy Osbourne, Nikki Sixx et toute une pléiade d'invités prestigieux. C'est un album qui a un gros son et qui n'est pas que heavy comparé à l'album Brutal Planet sorti en 2000 et qui est, lui, plus orienté Indus. Pour moi Hey Stoopid reste un des derniers albums je ne dirais pas de Hair Metal mais plutôt de Heavy Rock à l'américaine, car juste après le Grunge est arrivé, terminant une période Rock'n'Roll où l'on pouvait s'éclater...

J'ai envie de parler de cette superbe ballade qu'est "How You Gonna See Me Now" avec son clip bizarre, c'est du Alice Cooper quoi ?
Cette chanson est tirée de l'album From The Inside (1978), c'est une chanson mielleuse, c'est vrai, mais qui est en réalité une lettre ouverte à sa femme alors qu'il était en cure de désintoxication dans un asile. Il s'est posé la question de savoir comment sa femme allée le retrouver après sa cure, une fois qu'il serait guéri, sevré, elle qui ne l'avait jamais connue clean... « Comment vas-tu me percevoir ? Quand on s'est mariés, j'étais sous l'emprise de l'alcool et maintenant tu vas peut être découvrir un nouvel homme... j'aurais peut-être un manque de confiance en moi mais est-ce que tu m'aimeras toujours ? » Une chanson avec un côté fleur bleue un peu romantique.

On va peut-être casser le mythe Cooper mais il y a des bruits de couloir qui disent qu'il serait bisexuel ?
Alors là, je n'ai jamais entendu parlé de ça ! Effectivement le phénomène Alice Cooper est devenu tellement grand apres l'explosion du Glam Rock en Angleterre ainsi qu'aux USA et dans les année 70/73 beaucoup d'artistes comme Marc Bolan, David Bowie et bien d'autres jouaient sur l'ambiguïté sexuelle (maquillage, accoutrements, bijoux...) mais une chose est sûre, Alice Cooper n'a jamais été bisexuel.

Tu as assisté au concert d'Alice Cooper ce vendredi, comment as-tu trouvé le show ?
La magie opère toujours, on est toujours émerveillé d'être face à un artiste tel qu'Alice Cooper et de le voir toujours debout après 50 ans de carrière. Les concerts d'Alice Cooper sont toujours ultra rodés, il n'y a pas de place pour l'improvisation, tout est millimétré, chorégraphié. Le show était intense, et de plus le livre sortait la veille du concert donc une petite émotion me disait : Tiens j'assiste à mon énième concert d'Alice Cooper alors que mon livre est sorti le jour avant le concert. Alice était dans une forme olympique, à 67 ans il est impérial, sa voix est nickel, il est très professionnel, il est grandiose et c'est un vrai gentleman.

As-tu pu le rencontrer à l'issue du concert ?
J'ai bien essayé... les demandes ont été faites mais n'ont malheureusement pas pu aboutir. C'est très dur, surtout lors d'un festival comme le Hellfest, mais ce sera pour une prochaine fois, enfin je l'espère !

Combien de temps t'a pris l'écriture de ce livre ?
Un an d'un travail assez intense, beaucoup d'heures chaque jour et beaucoup de passion. Beaucoup d'intransigeance et de discipline envers moi-même niveau relecture car je ne voulais pas qu'il y ait la moindre information sans que la source n'ait été vérifiée, je ne supporte pas les livres où il y a des erreurs ou qui laissent la place au doute. Un livre qui doit s'adresser à des fans se doit d'être bien fait, d'ailleurs je n'aime pas faire les choses à moitié !

As-tu d'autres projets ?
Oui, mais pour l'instant je vais prendre un peu de vacances car ces derniers jours ont été très intenses. Je suis un fan de Stoner Rock, le Rock du désert californien où je vais tous les ans en vacances et je voudrais associer un livre qui parle des origines de ce mouvement et de tout ce qui s'est passé dans le désert californien depuis la fin des années 80, un peu comme un Road trip dans le désert où je parlerai aussi bien de musique que des décors et des gens du désert californien.

Sur toutes ces chansons, quelle est celle qui, d'après toi, s'identifie le plus au personnage Alice Cooper ?
J'ai choisi Remember The Coop comme titre pour mon livre, le terme Remember The Coop est extrait de la chanson "Alma Mater" issue de l'album School's Out, c'est une espèce de complainte un peu country folk qui pourrait s'apparenter à du Johnny Cash ou du Elvis. En ouverture d'album avec "School's Out" c'est : « on se casse de l'école, l'école est terminée », et finalement la dernière chanson du disque est une complainte un peu tristounette, nostalgique, où il se demande s'il va retrouver ses copains l'année suivante, ou va-t'il se retrouver seul ? Il se demande si ces amis se rappeleront de lui : « J'espère que vous vous rappelerez de moi : Remember the Coop ! » donc pour moi, c'est "Alma Mater"... Remember the Coop...

Le mot de la fin est pour toi...
Avant le livre, donnez vous la peine de vous plonger dans tout ce patrimoine musical qui est colossal. Beaucoup de gens peuvent être rebutés par son maquillage, les serpents, la guillotine... mais tout cela n'est qu'un apparat de cirque, c'est Hollywood...! Mais sa musique est très riche et intense, et si vous voulez en savoir plus, ce livre vous servira de guide, de support, un tuteur qui vous aidera à entrer dans l'univers du grand Alice Cooper.

voila une très riche interview avec un très sympathique Jean-Charles DESGROUX, mais surtout un vrai passionné et un grand connaisseur de l'univers d'Alice COOPER.

Propos recueillis par The Scream
Photo : Le Slasher

Remember The Coop est à se procurer dans toutes les bonnes librairies

Remember The Coop
Jean Charles Desgroux
aux éditions Le Mot et Le Reste
273 pages 21€
isbn : 978-2-36054-175-1

Un grand merci au Hellfest, à Roger Wessier, Jean-Charles Desgroux, Nono et aux Editions Le Mot et Le Reste









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